Clémence PHILIPPE au Rotary Club de Paris pour une conférence

//Clémence PHILIPPE au Rotary Club de Paris pour une conférence

Intervention de Clémence Philippe au Rotary Club de Paris pour une conférence sur le droit des nouvelles technologies et entreprenariat le 16 septembre 2015

Si je devais décrire mon métier en une phrase, je citerais le film Apollo 13 : « comment mettre des ronds dans des carrés ? ».

Je suis juriste. Je suis censée pratiquer le droit sans cesse, sécuriser mes clients sauf que tous les jours, une personne vient me demander : « comment protéger ma création/mon invention ? ». Ma première réaction est de me dire que j’aurais aimé avoir la même idée et qu’elle sera certainement rentable.

Qui, parmi vous, a un objet connecté chez lui ?

Dans un an, peut-être, vous aurez tous une montre connectée, de la domotique dans vos foyers, des smartphones ou des tablettes. De chez vous, vous pourrez à distance contrôler le chauffage, la porte, les entrées et les sorties, les volets, etc. Toutes ces nouvelles technologies seront reliées à votre téléphone portable.

Tout cela représente mon quotidien.

Jour après jour, j’accompagne véritablement les entrepreneurs. Ceux que je rencontre n’ont pas tous entre 20 et 30 ans. Il existe des « Géo Trouvetout » de tout âge. Un homme a inventé une machine capable de cuire et vendre, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, des baguettes chaudes. Des baguettes congelées sont précuites et au dernier moment, vous appuyez sur un bouton et votre baguette sort. C’est génial pour les personnes cloisonnées dans les campagnes où il n’y a plus de boulanger. Avec cette invention, il a été vainqueur du concours Lépine.

Les technologies sont partout et nous entourent. Il ne faut pas en avoir peur. Il faut les rationner et c’est là mon rôle. Il est important de dire aux jeunes que les nouvelles technologies se protègent. En ce sens, il faut les éduquer et leur apprendre les spécificités des brevets, des droits d’auteur, du droit des marques, du droit des dessins et modèles. Ils ont un concept mais ne savent souvent pas le protéger. Mon travail d’avocat est de trouver la bonne protection en fonction de la personne en étant le plus pédagogue possible et dans l’accompagnement.

Quand le projet est en phase de réalisation, le prototype peut prendre forme parfois en un, deux ou trois ans.

J’ai le privilège d’être au cœur des nouvelles technologies et d’être introduite dans les incubateurs, les accélérateurs, dans le monde actuel, de l’accompagnement des jeunes entrepreneurs.

Je suis expert pour l’association Moovjee qui aide les jeunes entrepreneurs à monter ou structurer leur société à être accompagnés par mentorat.

Il est beaucoup question aujourd’hui du mentorat. Si vous avez la possibilité d’être mentor d’un jeune, faites-le. Nous avons tous besoin d’avoir un mentor, d’être entourés.

Des jeunes de 25 ou 30 ans, sortant d’une école de commerce, n’ayant jamais travaillé dans une société, montent la leur et se retrouvent, au bout d’un an, à avoir 18 salariés et ne savent pas les gérer. L’association Moovjee apporte la possibilité d’avoir un mentor, quelqu’un qui nous aide.

Je suis très active aussi au sein de Cap Digital qui est le premier pôle numérique de France et dans lequel nous accompagnons les jeunes entrepreneurs, nous les entourons et nous les aidons à accéder aux formations.

Toute la journée, les gens me questionnent sur leurs droits, les subventions possibles, les financements partiels de leur activité, les démarches à suivre. Cap Digital est là pour les guider dans le domaine du digital pur.

Dans ce secteur, il est important de ne pas faire l’amalgame entre digital et innovation. L’innovation est partout contrairement au digital.

Le domaine de la cuisine est très à la mode, voyez toutes les émissions culinaires existantes. Les gens n’ont pas forcément les moyens d’aller au restaurant et le site www.maspatule.com qui est une plateforme de vente d’ustensiles de cuisine, s’est créé. D’autres clients ont vu que www.vente-privée.com marchait bien et ont eu l’idée de lancer un site de produits High-tech, très tendances, www.thetops.fr.

La nouvelle génération parle de manger plus responsable et a parié sur les protéines des insectes. Le site www.jiminis.com propose des gâteaux apéritifs avec des criquets et des vers. Beaucoup me connaissent pour mes boites d’insectes !

Les gens se plaignent souvent de leurs déménageurs. Quelqu’un a eu l’idée du déménagement pas cher avec la société Des Bras en Plus.

Tous ces exemples sont de l’innovation, de la Low-tech, sans rapport avec la High-tech.

L’innovation n’est pas que de la technologie, du brevet ou du logiciel. L’essentiel est d’avoir la bonne idée au bon moment.

Nous sommes en pleine Terra Nova en France même si je ne sais où nous allons avec le métier d’avocat. Nous sommes complètement dans des nouveaux schémas, vers l’entreprenariat. Nous avons enfin compris que la France a des écoles d’ingénieurs extrêmement fortes, des écoles de commerce, des cerveaux, des jeunes qui en veulent vraiment et ont envie de développer leur société et qu’ils ne souhaitent pas tous partir aux États-Unis. C’est une légende. La Silicon Valley étant extrêmement compétitive, autant qu’ils commencent en France, qu’ils se déploient en Europe, en Asie et aux États-Unis puis nous verrons. L’élément important est qu’ils veulent créer de l’emploi, de la valeur ajoutée en France. Nous devons être derrière eux pour leur apporter notre expertise, les capitaux nécessaires et de l’aide.

En France, le Crédit d’Impôts Recherche, le Crédit d’Impôts d’Innovation et Jeunes Entreprises Innovantes permettent d’avoir des crédits d’impôts. Xavier Niel disait que la France était une niche fiscale. Nombre d’aides sont proposées aux jeunes générations.

Au niveau des accélérateurs et des incubateurs, beaucoup d’écoles ont leur propre incubateur comme Polytechnique. Vous avez, également, les programmes PÉPITE dans les écoles qui accompagnent les jeunes dans l’aboutissement de leurs études tout en les aidant à se lancer dans le partenariat.

Un jeune de 18 ans, à l’IUT de Compiègne, a créé un réveil olfactif, le SensorWake. Vous vous réveillez avec l’odeur du café, des croissants, etc. grâce à des capsules insérées dans le réveil. Il a même mis l’odeur du dollar et je n’ai toujours pas compris comment il a réussi. Il n’a que 18 ans et pourtant il a déjà élaboré cette invention à son âge.

Tous les jours, vous entendez parler de levées de fonds de jeunes mais certains se crashent. Un article d’Opinions Libres est sortile 08 septembre 2015. Il est intéressant car il est question du devenir des entrepreneurs et des salariés issus de ces sociétés qui se plantent. Ce cas de figure est lié à la mentalité française et à la mentalité américaine. Aux États-Unis, un crash n’est pas grave à partir du moment où nous avons compris nos erreurs. Si nous avons pu en tirer une leçon, une nouvelle chance nous est donnée et nous pouvons repartir sur autre chose. En France, quand nous nous crashons, il est beaucoup plus compliqué de remonter sa société, de retrouver des capitaux et de relancer une structure mais cela fait partie de l’apprentissage de la vie.

Quand les sociétés sont en redressement judiciaire et sont vendues à la barre, ils disent : «  j’ai revendu ma société ». En réalité, elle a été vendue 1€ car il y a des dettes. En soi, cela n’est pas idiot.

Il faut donner sa chance aux jeunes. Ce n’est pas parce qu’ils se crashent une fois, qu’ils n’ont pas compris la leçon. Une nouvelle société ou une nouvelle valeur ajoutée se recréera.

Dans le monde de l’entreprenariat, l’environnement évolue et les mentalités changent. L’accompagnement est là. L’échec commence à être moins binaire entre noir ou blanc, il se teinte de gris.

L’objectif de mon intervention était de vous dire que mon métier d’avocat n’est pas qu’un métier de robe. Cela m’arrive de plaider devant les tribunaux où je défends mes clients bec et ongles mais je réalise beaucoup de conseil, de coaching et d’accompagnement. Mon téléphone sonne en permanence, il faut être là pour les accompagner.

Lancez-vous dans le mentorat si cela vous intéresse. N’hésitez pas à aider les jeunes parce qu’ils ont besoin de vous et de votre expérience.

Retranscription écrite de la Conférence : Aurélie AMBOS