Consultation par l’employeur des SMS d’un salarié 2/3

La libre consultation par l’employeur des SMS d’un salarié sur son téléphone portable professionnel,

ou la chronique d’une jurisprudence annoncée. Seconde partie

Retrouvez la première partie de la chronique ici >>

2) L’élaboration d’un régime juridique marqué par des limitations successives au principe, tourné vers une facilitation de la preuve pour l’employeur :

Le principe de la préservation de la vie personnelle du salarié sur son lieu de travail a fait au fil des années, l’objet de nombreuses limitations, successivement énumérées par la jurisprudence de la Cour de cassation, concernant tant l’accès aux fichiers informatiques par l’employeur, que les connexions à internet, les mails ou encore les supports externes tels les clés USB, qui sont de nature à faciliter l’administration de la preuve par l’employeur en matière sociale.

  1. L’accès aux fichiers informatiques

Ainsi, par un arrêt du 17 mai 2005

[1], la Chambre sociale de la Cour de cassation précisait que sauf risque ou évènement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme « personnels » contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé.

Dans les faits donc, il devenait loisible à l’employeur de consulter lesdits fichiers personnels sous certaines conditions, soit plus précisément en l’espèce, en la présence du salarié.

Puis par deux décisions en date du 18 octobre 2006[2], la Cour de Cassation confirmait la présomption du caractère professionnel des fichiers créés grâce à l’outil informatique, mis à disposition par son employeur. Dès lors, il devenait possible pour l’employeur d’accéder auxdits fichiers sans même que la présence du salarié ne soit nécessaire, excepté si le salarié les avait identifiés comme personnels.

La Cour précisait par la suite, le 10 mai 2012, qu’un fichier enregistré dans un répertoire dénommé « Mes Documents » n’avait pas de caractère personnel et pouvait donc être consulté par l’employeur.[3]

Dans un arrêt du 4 juillet 2012[4], la Chambre sociale de la Cour venait encore limiter le principe énoncé en considérant que la dénomination « données personnelles » attribuée par un salarié à la totalité du disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur, sur lequel il détenait des fichiers pornographiques, ne suffisait pas à conférer un caractère personnel à l’intégralité des données que le disque dur contient. Une distinction entre le disque dur et le fichier intitulé personnel était ainsi établie par la Cour de cassation.

  1. L’accès aux connexions internet

Le 9 juillet 2008[5], la Chambre Sociale de la Cour de Cassation considérait également que « les connexions établies par un salarié sur des sites Internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence ».

A partir de là, l’employeur avait donc la possibilité de contrôler les connexions effectuées par ses salariés pendant leur temps de travail, afin de vérifier l’usage et le temps passé sur internet par le salarié et les abus éventuellement commis.

  1. L’accès aux emails

De la même façon, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 15 décembre 2010, jugeait que les courriels adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail étaient présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur était en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si ce dernier les identifie comme étant personnels. [6]

  1. L’accès aux clés usb ou autres périphériques mobiles

A continuation, la Chambre sociale de la Cour de cassation rendait un arrêt remarqué le 12 février 2013[7] dans lequel elle a considéré que le salarié qui connecte une clé USB lui appartenant à son ordinateur professionnel s’expose à un contrôle du contenu de celle-ci par son employeur. Ainsi, la Cour a-t-elle estimé que, même en l’absence du salarié, dans la mesure où la clé USB -ou tout autre périphérique mobile- appartenant au salarié était connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution de son contrat de travail, elle était présumée utilisée à des fins professionnelles.

Laura Frangialli Guerin pour Welaw Avocats Paris 17

[1] Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mai 2005, n°03-40.017

[2] Cour de cassation, Chambre sociale, 18 octobre 2006, n°04-47.400 et 04-48.025

[3]Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2012, n°11-13.884

[4]Cour de cassation, Chambre sociale, 4 juillet 2012, n°11-12.502

[5] Cour de cassation, chambre sociale, 9 juillet 2008, n° 06-45.200

[6]Cour de cassation, Chambre sociale, 15 décembre 2010 n° 08-42.486

[7] Cour de cassation, chambre sociale, 12 février 2013 n°11-28.649